ARGAZKIA / GEDAR LANGILE KAZETA
Kolitza
@kolitza_
2021/01/03

Un cycle politique touche à sa fin. Sa dernière étape a été caractérisée par la défaite progressive du communisme international. La soi-disant fin de l’histoire ne fut vraisemblablement qu’une étape, étape dans laquelle les antagonismes sociaux avaient leur place dans le cadre de la politique bourgeoise, où l'opposition réformiste à l'oligarchie financière au pouvoir était représentée par les blocs interclassistes nationaux, expression de l'alliance des classes moyennes et de la bourgeoisie nationale. Dans tous les cas: ce n’était que l’affrontement de partis politiques bourgeois contre d’autres partis politiques bourgeois, réglant leurs intérêts particuliers par la politique institutionnelle bourgeoise, par le droit bourgeois et par la guerre impérialiste entre nations.

Le prolétariat est devenu, dans la seconde moitié du 20e siècle, une classe minoritaire dans les centres de pouvoir impérialistes, dans laquelle une bulle de consommation et de droits civils a été rendue possible par, d'une part, la menace de la révolution socialiste internationale et la forte idéologisation des masses ouvrières ; et d'autre part, le modèle économique fordiste d'accumulation, y compris le toyotisme ultérieur, reposant tous deux sur une société de consommation qui dépend de l'impérialisme et de la production de masse.

La dynamique de la politique des partis de la bourgeoisie, au sein de laquelle la politique révolutionnaire se trouvait neutralisée, a atteint un point où elle n’est plus viable. Tout d'abord, parce que la base économique - l'accumulation de profits à un rythme permettant aux salaires d'augmenter - est en train de s'étioler à cause de la grave crise mondiale de l'accumulation, qui, même dans le meilleur des cas, ne pourrait déboucher que sur un nouveau modèle d'accumulation beaucoup plus agressif que le précédent pour les masses laborieuses. Et deuxièmement, parce que la faillite internationale de l'idéologie révolutionnaire a prostré devant la finance internationale non seulement le prolétariat, mais toutes les classes ouvrières, y compris de larges cercles des bourgeoisies nationales.

Aujourd'hui, et déjà depuis plusieurs décennies dans tout l'Occident le prolétariat - entendu comme la classe la plus basse parmi les travailleurs n’ayant pour propriété que sa pure force de travail disponible à la vente - ne cesse de croître en nombre, sans que la dynamique institutionnelle du réformisme lui soit d'une quelconque utilité. Les partis de  la gauche du Capital se défendent contre l'offensive de l'oligarchie financière internationale à l’aide de  programmes conservateurs de maintien de droits dépassés, avec pour tactique le maintien des niveaux de bien-être et de libertés atteints au sein du cycle précédent, mais sans aucun succès. Inutile de dire que le réformisme a échoué dans sa tentative d'intégrer le prolétariat dans l'Etat en tant que Convive de pierre, voire en tant que masse d'électeurs, bien qu'il ait partiellement réussi à éloigner le prolétariat de toute indépendance politique en créant une culture de masse prolétarienne anti-politique, par le biais des appareils idéologiques d’Etat.

Quoi qu'il en soit, l’espace politique de l'État bourgeois qui a donné une chance à la réforme est épuisé. La prolétarisation de masse est inarrêtable et s'accompagne désormais de menaces pour la survie de l'espèce sans précédent dans l'histoire moderne. Les antagonismes se retrouvent au radical point de départ : Révolution socialiste ou barbarie.

Épuisés par le blocus politique bourgeois qui n'a apporté à notre classe que misère morale, chômage, pauvreté matérielle, répression et emprisonnement, maladies, exclusion sociale, guerres et morts, de petits noyaux de jeunes militants dispersés dans différentes parties du monde commencent à s'interroger sur la réouverture historique possible du programme de la Révolution socialiste internationale. Notre temps est venu, nous devons nous armer à tous les niveaux afin de faire face à la tâche qui nous attend.

DE LA CREATION DE CELLULES DE PARTI AYANT POUR PROJECTION UNE CROISSANCE ILLIMITÉE

A court terme notre tâche la plus importante, au niveau idéologique, est d'articuler et de faire avancer le débat international pour la reconstitution et l'aggiornamento du programme communiste révolutionnaire. Un débat qui réunirait le meilleur de l'expérience historique de la lutte des classes et de la théorie marxiste dans tous les domaines de la science.

Le communisme, en tant que programme historique d'une société universelle sans classes où la liberté politique, le bien-être et la richesse sont le patrimoine de toute l'humanité, est plus que jamais d'actualité dans le contexte de graves menaces que le capitalisme fait peser sur la Race humaine. Ces menaces sont aujourd'hui la déshumanisation totale de la vie sociale, la destruction irréversible des écosystèmes, l'exclusion sociale et l'atomisation généralisées, la misère matérielle de la majorité, la guerre totale contre les populations et la domination politique écrasante d'une minorité de grands accumulateurs sur la grande majorité de la population.

Mais nous ne pouvons pas nous contenter de la simple formulation de cette tâche, ni non plus nous contenter de situer le débat au sein du mouvement communiste international comme constituant la seule tâche, in abstracto. La formulation purement idéologique de la tâche, sans ses détails pratiques, souffre d'insuffisance. La tâche doit être concrétisée, le débat recentré sur les avancées pratiques comme sur des pratiques avancées. C’est de cette manière là que le débat doit prendre forme. Il nous incombe dans l’immédiat, entre autres, la tâche d'étendre en cercles concentriques, avec une croissance proportionnelle, le réseau de militants communistes révolutionnaires qui commence à prendre de l’ampleur. De centaines en milliers, de milliers en dizaines et centaines de milliers, en millions, jusqu'à la recomposition totale du tissu révolutionnaire international du communisme, du corps social révolutionnaire, car c'est ce corps qui développera avec garanties un débat puissant et authentique capable de chercher une solution à chacun des divers problèmes posés par toute transition historique du modèle de société. C'est ce prolétariat révolutionnaire dans sa dimension de masse qui entreprendra avec succès l'indispensable tâche idéologique d'actualiser la théorie révolutionnaire et de relancer le processus socialiste au niveau offensif. Telle est notre mission générale, la reconstitution idéologique, politique et organisationnelle du communisme dans le monde entier.

Cela dit, dans notre petit pays, nous proposons, au sein du Mouvement Socialiste du Pays Basque, un modèle d'actualisation qui consiste en une croissance proportionnelle du tissu communiste révolutionnaire, autour d'une stratégie unitaire mais en même temps multiple, capable de s'articuler en chaque génération, en chaque subjectivité opprimée et dans chaque sphère de la vie sociale et de la production, capable de déployer le cadre conceptuel du Socialisme dans chaque espace de lutte. Une croissance proportionnelle avec le potentiel de transformer tous les espaces sociaux, toutes les générations et toutes les formes d'oppression en espaces de lutte de classe entre la Révolution socialiste et la Réaction, en développant la stratégie progressivement, de la forme actuelle du Mouvement, en passant par la forme du Parti comme synthèse de l'offensive, jusqu'à la forme de la Commune-État comme Dictature révolutionnaire du Prolétariat.

Les trois modalités progressives d'existence de l'espace communiste révolutionnaire (ci-après du prolétariat révolutionnaire), que je viens de définir, consisteraient en un même modèle d'organisation, progressivement perfectionné et complexifié à mesure que l'étape avance : ce modèle d'organisation est celui de la démocratie prolétarienne. La démocratie prolétarienne trouve son expression historique maximale dans le modèle des Conseils, organes à la fois participatifs et maximisant la rationalité finaliste du pouvoir du prolétariat révolutionnaire. Organes qui s'articulent entre eux de manière centrale afin d'apporter une solution unifiée aux problèmes généraux, de coordonner l'ensemble et de décider des questions importantes de la conjoncture, où tous les postes administratifs sont révocables en permanence.

Ce modèle d'organisation, en tant que structure formelle pour le développement de la stratégie révolutionnaire, consiste alors en un réseau universel de conseils (cellules administratives du pouvoir prolétarien), aussi bien sous sa forme primaire de Mouvement, que sous sa forme de Parti (organisation centrale offensive qui articulerait toutes les organisations et institutions du prolétariat révolutionnaire), ainsi que dans la Commune-Etat comme stade suprême de la lutte des classes, dans ce qui serait une réédition de la phase avancée de la guerre civile mondiale entre classes sociales telle qu'elle a été vécue dans la première moitié du siècle dernier.

Au niveau du pouvoir qu'ils représentent, les Conseils socialistes sont les organes exécutifs du prolétariat révolutionnaire et celui de son pouvoir organisé, et non les organes délibératifs et impuissants de tout le prolétariat, ouverts à une participation fictive et vide, à un prétendu droit de sujets individuels sans responsabilité. La norme transcendantale des Conseils n'est pas le droit des individus abstraits à donner leur avis sans arrêt ; mais le caractère universel du pouvoir collectif que ces Conseils organisent administrativement, un pouvoir collectif au service de toute la société, par la façon dont ils organisent les groupes de travail, les moyens collectivisés, et les objectifs auxquels participe tout le réseau des Conseils, fusionnés avec la stratégie révolutionnaire. En d'autres termes : les conseils ne sont pas des plates-formes de droits pour des individus abstraits, mais la forme organisationnelle de base des individus en tant que militants concrets, en tant qu'individus éthiques, tous différents, qui n'ont pas le droit, mais le devoir de participer. De cette manière, la participation devient une activité qualitative, et non un simulacre d'égocentrisme, comme l'a encouragé le modèle bourgeois de participation "formelle", depuis l'assemblée de quartier prétendument autogérée où chacun défend le sien, jusqu'au parlement lui-même.

En ce qui concerne le modèle de prise de décision, les Conseils présentent deux caractéristiques de complémentarité mutuelle: d'une part, la participation en égalité réelle de tous les membres ; et d'autre part, la différence de poids des points de vue, toujours mesurés collectivement par leur niveau de rationalité potentielle, argumentative, et pliée à la réalité et aux objectifs révolutionnaires définis dans la stratégie partagée par de plus en plus de secteurs du mouvement communiste international (raison pour laquelle il sera essentiel de promouvoir le large débat international mentionné ci-dessus, sur une base permanente).`

La démocratie se compose de majorités et des minorités, mais pas n'importe lesquelles, ce sont des majorités et des minorités qui choisissent ce qui est le mieux pour l'ensemble. A rebours, la démocratie bourgeoise, qui fonctionne sur la base du consensus entre des partis formellement séparés de la société, prétendant la représenter mais répondant en réalité à leurs propres intérêts sectaires, façonne toujours les décisions administratives en fonction des intérêts particuliers des agents des partis en conflit. Le but du débat parlementaire n'est pas de parfaire la meilleure décision pour tous, mais plutôt d'imposer les intérêts particuliers de chaque partie dans une mesure plus ou moins grande. Le modèle de dialogue politique entre les partis bourgeois, voire les courants au sein des partis, est celui de la négociation commerciale. D'abord, j'essaie de vous écraser avec tous les moyens dont je dispose, et ensuite, compte tenu de la corrélation des forces obtenues, on voit quelle part du gâteau chacun obtient. C'est parce que leurs objectifs sont toujours des intérêts de classe et particuliers, et qu'ils sont construits sur tout l'échafaudage de l'exploitation de la force de travail.

Contrairement à l'administration bourgeoise, les conseils sont et doivent être radicalement et en même temps un processus de participation universelle et des organes de décision de qualité dans l'intérêt de tous. Cela n'est possible que si ils sont composés de militants, le militantisme étant compris comme une formation éthique progressive vers une participation qualitative à la société, d'un modèle de personne qui agit de manière disciplinée pour améliorer la vie des autres, dans des institutions sociales libres, et qui rassemble le pouvoir de manière unitaire (pas comme l'administration politique de l'État bourgeois, qui est la coquille du pouvoir réel, fonctionnant avec une séparation fictive des pouvoirs délégués, alors que la source réelle du pouvoir se trouve dans les centres financiers internationaux et leurs propres organes antidémocratiques).

En définitive, le militant communiste en tant que modèle de personne à l'opposé du prolétaire aliéné sans motivation éthique, lorsqu'il participe, ne doit chercher qu'à contribuer, et non à tirer un avantage personnel à partir d'une subjectivité bourgeoise, de l'organisation. Le Conseil, en tant que cellule administrative du Socialisme (le pouvoir politique du prolétariat) ne peut être construit que sur l'articulation du militantisme communiste, d'individus qui cherchent à apporter le meilleur d'eux-mêmes au collectif, qui savent se taire et ne parler que lorsqu'ils ont pensé à une bonne contribution, qui savent toujours apprécier positivement les capacités des autres, qui pratiquent systématiquement l'autocritique, et qui s'efforcent sans cesse de s'améliorer et d'améliorer l'ensemble par un travail discipliné, par une saine camaraderie, et par l'étude et l'amélioration constantes de leurs capacités humaines. Le Conseil Socialiste doit expérimenter le système d'administration qui, en tant que cellule, constitue la planification socialiste de la société dans l'Etat Socialiste des Conseils, ou Etat-Commune, qui est radicalement inapplicable si le modèle du militant communiste n'atteint pas un certain degré de généralisation parmi les masses prolétariennes.

Du point de vue pratique, au stade actuel du développement de la forme Mouvement Socialiste au pays basque, les conseils sont amenés à constituer le lien administratif qui permettra de coordonner les luttes sur les fronts et dans les différents territoires. Tous les processus de lutte tactique pour la modification des conditions aux fronts doivent être menés à la fois :

1. Par des processus de lutte idéologiques, ou’ la théorie révolutionnaire avance de concrètes positions et ou’ l’idéologie révolutionnaire se répand entre les masses prolétariennes et,

2. Par des Processus d'amélioration, non pas des conditions immédiates des petits secteurs du prolétariat dans l'ordre capitaliste, mais surtout de la proportion de contrôle que le prolétariat révolutionnaire exerce sur la sphère sociale qui est le front de la lutte, mesurable par rapport au degré de contrôle que le parti de la bourgeoisie exerce sur cette même sphère. Cela n'est possible que par la concrétisation d'un plan conceptuel dynamique et progressif, qui reconceptualise toutes les sphères de la vie sociale comme un cadre politique pour la lutte des classes, à travers les concepts de la composition d'un futur État socialiste pour la transition vers une société communiste.

Si nous prenons un exemple: les luttes tactiques à l’intérieur des universités - ou des institutions éducatives - ayant pour but de simples "améliorations" ne devraient être promues qu’au sein d’une stratégie répondant à un plan dirigé vers ce qui sera un Espace d'éducation socialiste international, sous le contrôle du prolétariat révolutionnaire, où les processus de travail de l'éducation seraient entièrement socialisés. Chaque pas vers cet horizon défini par le plan stratégique peut être un élément de la lutte tactique immédiate. Les améliorations immédiates ne peuvent être un carburant pour la Révolution socialiste internationale que si, d'une part, c'est le prolétariat révolutionnaire qui les met en œuvre à travers sa lutte et son activité d'expansion de l'idéologie révolutionnaire, et d'autre part, si elles servent à augmenter le contrôle que le prolétariat révolutionnaire a dans la sphère dans laquelle elles sont développées, et donc le contrôle global des processus sociaux par le prolétariat révolutionnaire et son cadre organisationnel d'expansion du pouvoir socialiste.

En guise de brève clarification, par prolétariat révolutionnaire, j'entends le sujet historique en constante évolution qui, en tant que sujet social organisé sur la base de l'idéologie révolutionnaire, de la conscience historique, traverse toute l'histoire de la lutte des classes jusqu'à aujourd'hui, et qui continuera à traverser l'histoire future de la lutte des classes de manière stratégique, dans l'ordre du concept, en passant successivement par des formes de mouvement, de parti ou d'État, jusqu'à ce qu'il accomplisse sa tâche historique.

En tout cas et comme précédemment évoqué, les luttes immédiates ne doivent se développer qu'en tant que "moments de la stratégie" de ce prolétariat révolutionnaire, comme un avancement des positions vers l'Etat socialiste, l'étape dans laquelle le prolétariat révolutionnaire a un plus grand degré de contrôle des processus sociaux généraux et du territoire que le parti de la bourgeoisie. Pour ce processus, le Parti communiste des masses constituera le moment médiateur, intégrant les grandes masses prolétariennes dans le processus de constitution du tissu socialiste militant. Dans le processus stratégique, les luttes concrètes sont pour leur part la construction progressive du pouvoir prolétarien (ou, en d'autres termes, d'un pouvoir social formellement universellement accessible) dans toutes les sphères sociales autour du cadre organisationnel du pouvoir socialiste en expansion, de la domination du prolétariat révolutionnaire sur la bourgeoisie.

Que représentent donc les Conseils socialistes ? En résumé, les Conseils représentent les cellules administratives de la démocratie prolétarienne, qui ont la tâche immédiate d'articuler tous les fronts et luttes concrètes pour développer la croissance proportionnelle du tissu militant communiste, pour l'élargissement progressif de la sphère de contrôle des processus sociaux par le prolétariat révolutionnaire, et pour l'hégémonie progressive du communisme dans des secteurs de plus en plus nombreux du prolétariat qui peuvent potentiellement être intégrés, avec différents niveaux d'engagement, dans une phase d'offensive où le Parti communiste est reconstitué à l'échelle mondiale.

Lien tactique des fronts et lien stratégique et idéologique avec le processus socialiste. L'homogénéité et la simplicité du Conseil Socialiste assurent le potentiel d'une articulation territoriale à grande échelle, sans marges idéalistes constituées par les corrélations des forces bourgeoises, au niveau et à l'échelle qui sont nécessaires à chaque moment du processus, d'un point de vue sectoriel (dans la production, dans les rues, sur les fronts de lutte) ou territorial (à l'échelle régionale, nationale, continentale), jusqu'à la Révolution Socialiste Mondiale. La cellule administrative du Conseil a dès le départ la projection conceptuelle vers une articulation progressivement plus grande, incorporant sans limite de nouveaux fronts, de nouveaux militants, de nouveaux pouvoirs et de nouveaux territoires, se modifiant et s'améliorant à travers le débat international. C'est notre contribution au débat international actuel, sous forme de pratique, d'expérience organisationnelle, c'est ce que nous allons essayer de mettre en place, c'est ce que nous mettons en place.

Lien de pouvoir, cellules du parti, une nouvelle étape, gardons l'initiative et faisons croître  l'enthousiasme.