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Argazki Nagusia
Ibai Julian
2023/02/27 17:02

Le présent texte se donne pour tâche d’aider à la compréhension du nouveau modèle de gouvernance qui se généralise, où l'analyse d'un État de plus en plus autoritaire est à l'ordre du jour. En même temps, il vise à offrir quelques points de repère pour aborder la lutte pour les droits civils et politiques.

La mutation de la forme de l'État : de l'ancien État Social de Droit au nouvel État Autoritaire

La fonction essentielle de l'État, au moins, depuis que le mode de production capitaliste est devenu hégémonique, a été de fournir les conditions nécessaires au bon fonctionnement de la dynamique d'accumulation. Nous ne pouvons pas comprendre l'État comme une superstructure autonome par rapport aux relations économiques, comme s'il était un agent complètement indépendant, avec des intérêts essentiellement distincts des forces économiques. L'État capitaliste a été historiquement la forme politique de domination du grand capital, chargé d'aplanir les tensions créées par un système économique, fondamentalement compétitif et destructeur. Cependant, la manière dont l'État a été impliqué dans la constitution d'un ordre juridique et social propice au développement économique a varié au cours de l'histoire. Il faut donc s'atteler à l'analyse de la forme concrète prise par l'État dans chaque phase historique du mode de production capitaliste, en identifiant les facteurs structurels qui le poussent à agir de la sorte dans chaque cas. Nous nous concentrerons ici sur un point particulier : l'intersection entre la décomposition d'un modèle paradigmatique et la tendance à l'émergence d'un nouveau modèle (du moins dans les pays occidentaux). Le premier est celui qui a commencé à émerger dans l'entre-deux-guerres, s'est déployé pendant les trente glorieuses et a commencé à s'épuiser dans les années 1970 avec l'avènement du néolibéralisme. Nous l'appellerons ici l'État Social de Droit. Le second est celui qui a pris forme depuis l'épuisement du premier jusqu'à aujourd'hui, et nous l'appellerons dans ce texte l'État autoritaire.

L'État Social de Droit s'est construit sur la base d'un développement économique ascendant dans lequel la production de masse a permis d'étendre le bien-être et la consommation à une grande partie de la population. Le travail était abondant et l'État disposait d'une classe moyenne importante à laquelle il pouvait confisquer une partie de ses salaires par le biais d'une lourde fiscalité. C'était l'époque où l'on pouvait parler de politique économique nationale, car l'État disposait d'une réelle souveraineté pour administrer d'une manière ou d'une autre les richesses qu'il collectait. C'est sur cette base qu'il était possible, entre autres, d'étendre le système de protection sociale ou d'augmenter les salaires de larges pans de la classe ouvrière.

En même temps, il était pratique pour la bourgeoisie de l'époque de défendre la légitimité de la démocratie, en la présentant comme l'alternative logique au dépassement historique des "totalitarismes" fasciste et communiste. C'est ainsi que l'importance du renforcement de l'État de droit a été proclamée afin de sauvegarder les droits fondamentaux qui ont été bafoués pendant cette période de guerre. Il convient cependant de ne pas oublier l'influence profonde que l'existence du communisme a eue sur tout cela : le commandement capitaliste n'a pas promu l'État de droit en raison de son engagement envers les valeurs humanistes ou les critères de justice, mais plutôt comme une tactique visant à neutraliser les grandes forces communistes en les intégrant dans l'État par des moyens démocratiques.

Cependant, avec les transformations structurelles qui ont commencé dans les années 70, les facteurs fondamentaux qui ont conduit à la constitution de l'État de Droit Social ont commencé à disparaître, laissant place à une tendance qui s'est poursuivie jusqu'à aujourd'hui et que nous appellerons la dérive autoritaire de l'État. Parmi les facteurs qui ont conduit à cette dérive, nous en soulignerons deux en particulier :

L'État social devient impossible. L'État perd sa souveraineté politique et budgétaire face à un capital financier international de plus en plus concentré et puissant (qui trouve sa raison d’être dans la crise d’accumulation). D'investisseur, il devient débiteur, totalement dépendant des programmes économiques que les oligarchies financières lui imposent. Il perd ainsi son pouvoir de commandement sur son territoire, devenant une sorte de courroie de transmission, dont la fonction est d'administrer le paiement d'une dette infinie, au prix de la disciplinarisation et de l'appauvrissement progressifs de la classe ouvrière.

L'État de droit devient inutile. Avec l'intégration définitive des organisations politiques et syndicales du prolétariat, le Capital ne trouve plus d'opposition à laquelle rendre des comptes ou faire des concessions. En effet, bien qu'il ait maintenu pendant des décennies l'apparence d'une entité neutre, représentant l'intérêt général du peuple, nous voyons aujourd'hui comment l'Etat retire son masque démocratique et se présente comme ce qu'il est réellement : l'appareil politique de la dictature de classe du Capital.

La dérive autoritaire de l'Etat

Comme nous l'avons dit au début, la fonction essentielle de l'État est de préserver l'ordre social. Mais cela est de plus en plus difficile dans une conjoncture où les espérances de profit s'effondrent. La crise d’accumulation progresse, intensifiant à la fois les conflits géopolitiques à l'extérieur et l'instabilité sociale à l'intérieur, obligeant l'État à créer un nouvel ordre juridique et répressif pour contenir la situation. Aujourd'hui, nous nous pencherons sur trois blocs : la réorganisation des instances du pouvoir d'État, le renforcement de la machine militaire et la modernisation des mécanismes de contrôle social et de répression contre le prolétariat.

Réorganisation des instances de l'Etat

Les instances de pouvoir des gouvernements sont en cours de restructuration. Nous constatons que l'équilibre des pouvoirs, l'un des fondements de l'État de droit moderne, est en train de se fissurer. Le pouvoir d'État a besoin d'une nouvelle structure pour contenir les crises sociales, politiques et impérialistes à venir, un nouveau modèle dans lequel les pouvoirs judiciaire et législatif sont vidés de leur contenu, au point de rendre leur existence presque testimoniale, tandis que le pouvoir de commandement est concentré dans l'exécutif pour gouverner l'exceptionnalité.

En ce qui concerne le pouvoir législatif, il suffit de regarder la dernière séquence législative pour voir que les textes de loi réellement importants donnent constamment lieu à l'article 49.3 de la Constitution, en somme, à une pratique de gouvernement par décret-loi. Il en est ainsi à tout le moins lorsqu'il n'y a pas da majorité docile pour donner l'apparence de la démocratie. En ce qui concerne le pouvoir judiciaire, il suffit de regarder le nombre d'illégalités auxquelles la puissance publique a recours et qui sont constitutives de violation de droits fondamentaux pour la plupart, mais qui pourtant n'ont donné lieu à aucune intervention significative du Conseil d’État ou quand elles ont eu lieu, à aucune conséquence. Parmi ces illégalités l’on pourrait évoquer l'utilisation de la technique de nasse ou encore des drones en vue de surveiller la population, alors qu'aucune loi n'autorise le premier et qu'aucune n'était encore en vigueur pour le second, du moins lors de sa première utilisation pendant le confinement. Confinement d'ailleurs qui a été l'exemple paradigmatique d'une séparation des pouvoirs qui n'existe que dans la Constitution. En effet, le gouvernement a encore une fois eu recours à l'état d'urgence (sanitaire cette fois-ci) en tant que mesure exceptionnelle qui permettait de suspendre l'ordonnancement juridique normal et de réduire a minima les droits civils et politiques, ainsi que de gouverner en Conseil restreint de Défense. Précédemment, les attentats terroristes avaient d’ailleurs aussi donné lieu à une longue période d'état d'urgence, renouvelée plusieurs fois de manière tout à fait illégale. Et cela, parce qu'il n'y a pas réellement d'indépendance du pouvoir judiciaire, ni du pouvoir législatif qui n'ont pas leur place dans la chaîne de commandement de l'État autoritaire. Et parce que les contradictions du capitalisme, en temps de crise, sont une source perpétuelle d’états d’exceptions. Il n’y a qu’à voir l’exemple de la guerre Ukraine. En effet, un pouvoir autonome qui protège les fondements constitutionnels actuels ou qui est en charge de la production des lois et, par conséquent, du contrôle de la légitimité de ce que fait ou ne fait pas le pouvoir exécutif, devient un fardeau pour ce dernier lorsqu'il s'agit de créer un nouvel ordre constitutionnel qui devra se défaire de plusieurs des droits fondamentaux qui ont été consacrés jusqu'à présent. En résumé, des temps difficiles nous attendent et les gouvernements doivent avoir les coudées franches pour garantir la sécurité nationale et mettre en œuvre les transformations requises par le nouveau cycle d'accumulation, quel qu'en soit le prix. En ce sens, l'existence du pouvoir judiciaire et législatif est testimoniale et ne sert qu'à maintenir le voile démocratique, l'apparence que le droit serait en mesure de contrevenir aux déviations autoritaires et aux crimes d'État.

Tout ce qui précède pourrait nous amener à commettre l'erreur de penser que nous avons affaire à un État qui se recroqueville, comme s'il récupérait la souveraineté nationale qu'il a perdue au cours des dernières décennies. Ce n'est pas le cas. Des États-nations comme l'Espagne et la France ne font que suivre les programmes stratégiques de l'Union européenne et de l'OTAN dans les domaines de la sécurité, de l'ordre public et de la politique étrangère. De plus, la réorganisation du pouvoir étatique permet de mettre en œuvre rapidement, efficacement et sans entrave les plans de l'oligarchie financière. Ceci, qui fera probablement l'objet d'un article séparé, est clairement visible dans la course militariste imposée par l'OTAN.

Renforcement de la machine militaire et crise de la guerre

Cette époque, marquée par l'aggravation de la crise de l'accumulation capitaliste, se caractérise, en ce qui concerne la concurrence capitaliste internationale, par un réarmement des structures militaires en vue de la lutte pour le contrôle des ressources et des marchés entre différents blocs d'intérêts. Lorsque les moyens employés avec une virulence croissante (guerre commerciale, tarifs douaniers, embargos, etc.) ne suffisent pas à assurer les gains des différents blocs oligarchiques, l'escalade de la guerre devient inévitable. En d'autres termes, en cette période de reflux économique, les conflits guerriers sont accentués et la vieille citation de Clausewitz selon laquelle "la guerre est la continuation de la politique par d'autres moyens" reprend vie.

Il suffit d'observer la croissance vertigineuse des dépenses militaires mondiales pour comprendre que les différents blocs se préparent à une guerre totale. En 2021 (avant l'escalade en Ukraine), les dépenses militaires mondiales ont dépassé les deux mille milliards de dollars par an pour la première fois dans l'histoire. Des dépenses qui continuent d'augmenter année après année. Sur ces dépenses totales, les pays de l'OTAN représentent ensemble 50 % et les États-Unis seuls 38 % (801 milliards de dollars). Les principaux concurrents, la Chine et la Russie, représentent respectivement 13,8 % et 3,1 %. Bien que les autres acteurs soient loin derrière, il convient de noter que les dépenses ont considérablement augmenté dans le monde entier. Et notamment en France, ou Emmanuel Macron a annoncé vouloir moderniser l'armée française au travers de la loi de programmation militaire de 2024-2030, laquelle consacrerait une augmentation de 30 % du budget alloué à la défense, soit 400 milliards d'euros.

En ce qui concerne l'Union européenne, ce qui est le plus remarquable, c'est la coopération croissante entre les États membres. Cette coopération s'est particulièrement accélérée depuis la sortie du Royaume-Uni de l'UE. Les pays développent différentes capacités communes, mettent en place des mécanismes pour la définition de stratégies, des fonds spécifiques pour les infrastructures et l'industrie militaire, et le financement d'interventions directes et indirectes, comme on le voit dans le cas de la guerre en Ukraine. Ils approfondissent ainsi leur partenariat pour le réarmement général et le développement de l'autonomie militaire de l'UE.

Il convient de mentionner ici qu'à aucun moment un État membre de l'UE n'a remis en question la subordination aux intérêts de l'OTAN et des États-Unis. En effet, la Boussole stratégique (le premier document de stratégie de guerre de l'UE, adopté en mars 2022) appelle à des liens plus étroits avec l'Alliance atlantique.

En bref, nous sommes confrontés à une escalade mondiale de la guerre qui façonnera la politique européenne pour les années à venir.

Mécanismes de contrôle social et de répression contre le prolétariat

Tout d'abord, il faut souligner que contrairement à la menace de la guerre, qui est extérieure, le prolétariat représente quant à lui, en puissance, une menace intérieure que l'Etat ne peut pas supprimer. Il en a besoin, et pas seulement en tant que simple producteur, comme c'était le cas des classes semi-esclavagistes à l'époque précapitaliste, mais aussi en tant que consommateur, en tant qu'agent économique. C'est pourquoi le système capitaliste contemporain est structurellement obligé de maintenir un champ minimal de droits civils et sociaux pour que la reproduction du Capital fonctionne normalement. En effet, l'art de la gouvernance moderne consiste principalement à développer des mécanismes pour discipliner et maintenir le prolétariat dans les règles du jeu, mais sans l'exterminer.

Nous n'allons pas développer une analyse de l'ensemble des mécanismes disciplinaires puisque l'étude de l'ensemble du nouveau modèle de gestion de la pauvreté dépasse notre cadre d'analyse. Nous laisserons donc de côté les subventions aux pauvres sous chantage étatique (comme l'illustre parfaitement la dernière réforme RSA), ni de la médicalisation croissante dans les zones prolétarisées, ni de la généralisation du divertissement gratuit à travers des plateformes virtuelles qui modulent nos comportements.

Ce qui nous intéresse ici, c'est de nous concentrer sur un aspect spécifique de ce processus de disciplinarisation: le récit sécuritaire et criminalisant, qui prépare le terrain au durcissement des mécanismes de contrôle social et de répression.

Sur la criminalisation de la pauvreté et sur la sécurité comme raison d'État

Une société qui n'offre pas de sécurité est une société en faillite. La sécurité est l'une des conditions pour que l'État n'entre pas dans une crise de légitimité. S'il n'est pas capable de garantir les conditions minimales pour que les gens puissent satisfaire leurs attentes vitales, et si la population est immergée dans un océan d'incertitude et de risque, le modèle social qui l'a engendré sera remis en question. Mais comme nous l'avons souligné précédemment, la crise intensifie les conflits géopolitiques et la pauvreté, entraînant une instabilité et une insécurité sociale qui nous ramènent à des époques qui semblaient avoir été surmontées. Face à cela, et devant l'impossibilité d'éradiquer réellement les causes, l'État opte pour une solution policière et punitive afin de restaurer son autorité symbolique : il se présente comme un État fort, à la poigne de fer, qui n'aura aucune pitié pour punir fermement toute atteinte à la sécurité des citoyens et à l'ordre public.

Et c'est précisément dans la construction symbolique de "l'ennemi commun" que l'État trouve le moyen idéal de détourner l'attention des causes réelles de l'insécurité et de justifier le durcissement de l'appareil répressif. Nombreux sont les cas où l'État construit des figures stigmatisées en criminalisant certains secteurs de la population prolétarisée : le jeune de banlieue, l'immigré, le squatter, etc. Il en fait des boucs émissaires avec lesquels il justifie l'application de politiques anti-prolétariennes déguisées en politiques anti-criminelles. Nous pourrions également évoquer ici, toute proportion gardée, les politiques antiterroristes mises en œuvre dans le monde entier après le 11 septembre, qui ont renforcé les mécanismes de contrôle et de répression et qui ont fini par être utilisés contre la classe ouvrière et ses organisations politiques.

Il convient de mentionner que ces conditions constituent le terreau idéal pour la montée du fascisme, qui contribue à l’élaboration d’un nouveau pacte social contre le prolétariat et alimente la dérive autoritaire de l'État. Le fascisme joue un rôle important dans la définition de "l'ennemi commun" et dans le fait de susciter l’adhésion parmi les masses aux mesures autoritaires de l'État. À cette fin, il renforce l'idée de la communauté nationale en définissant qui en fait partie de qui n'en fait pas partie sur la base de critères ethno-différentialistes. Sont ainsi criminalisés et stigmatisés les minorités opprimées, les immigrés et les expressions politiques indépendantes qui organisent le pouvoir du prolétariat.

Quelques notes sur la directionnalité des nouveaux mécanismes de contrôle social et de répression

Hypothèse 1 : de la discipline de la privation à l'endiguement de l'excédent

La genèse historique de la police et de la prison va de pair avec le capitalisme, et leur fonction essentielle n'était pas simplement de contenir la criminalité dans les nouvelles villes, mais de produire un nouvel ordre, de discipliner une nouvelle classe sociale de dépossédés afin de l'intégrer dans le nouveau régime du travail salarié industriel. Tout cela dans le cadre d'un processus d'industrialisation accélérée qui générait une forte demande de main-d'œuvre. Aujourd'hui, en revanche, dans une société où le travail a perdu sa centralité et où le prolétariat est expulsé du processus productif, le caractère correctionnel ou, si l'on veut, de réinsertion du système pénal cède la place à un modèle fondé sur le contrôle social total afin de maîtriser un secteur social structurellement exclu de la société.

Hypothèse 2 : le tournant préventif

La théorie du choix rationnel de Cornish et Clarke soutient que les personnes qui commettent des crimes décident de le faire sur la base d'un jugement rationnel. Selon eux, le principal déterminant du choix de commettre ou non un délit est l'évaluation des risques et des avantages. Or, il semble que la construction du nouveau Panoptique, formé par le trinôme des technologies numériques de contrôle, de la police sociale et de la société policière, inverse la relation risque/bénéfice, en plaçant des obstacles de surveillance et de contrôle qui tendent à empêcher la réalisation d'un comportement conflictuel ou criminel. Il va sans dire que cela a également une fonction civilisatrice évidente, comme on le voit avec le crédit social chinois déjà plus avancé, par exemple. Quoi qu'il en soit, ce tournant préventif n'implique pas un relâchement des mécanismes de coercition directe ; en effet, la tendance est à une police de plus en plus armée et spécialisée et à un droit à caractère administratif de plus en plus préventif.

Hypothèse 3 : le territoire comme prison, ou l'extension de la prison au territoire

Ces dernières années, le taux de criminalité et le nombre de prisonniers ont progressivement diminué (dans l’État espagnol), ce qui pose un problème argumentatif à ceux qui, comme nous, affirment que l'État dérive vers l'autoritarisme. L'une des principales raisons de cette évolution est ce que l'on peut appeler l'extension des prisons au territoire. Nous passons de l'enfermement pénitentiaire à l'enfermement social, où les pauvres sont pris au piège de la discipline du chantage aux subventions de l'État, médicalisés avec des tranquillisants et intimidés par l'appareil omnipotent de contrôle et de répression modernisé. À cela s'ajoute la redistribution de la cartographie urbaine, où le centre-ville devient un parc d'attractions pour les riches, tandis que les pauvres sont repoussés à la périphérie où ils survivent difficilement dans des quartiers prolétarisés à fort déploiement policier, même avec des règlements punitifs ad hoc pour l'intensification du contrôle des groupes dangereux ou des "points chauds".

Notes sur les objets de la répression

Il est utile de distinguer, grosso modo, trois niveaux d'application de la répression, c'est-à-dire ce que l'on cherche à contenir ou dans certains cas, à supprimer :

1) Les alternatives aux circuits de reproduction des salaires (directs ou indirects). Lorsque les salaires se contractent, le prolétariat est plus susceptible de tendre vers l'expropriation directe ou de chercher d'autres moyens de survivre. Mais le capital doit imposer la pauvreté, en supprimant toute option qui sort des marges établies. C'est là qu'intervient le renforcement des mesures de prévention des crimes contre la propriété. L'offensive contre les squats ou la loi contre les petits vols sous-tendent le principe pénal de less eligibility : avertir le prolétariat que, si dans le cadre du travail salarié ou des subventions de l'État les conditions de vie sont mauvaises, en dehors de ces circuits de reproduction, il ne trouvera que des bidonvilles ou la prison.

2) La protestation sociale. Ces dernières années, nous avons assisté à une réduction considérable des droits et des libertés afin d'assimiler et de faire taire le mécontentement social. Un nouveau cadre juridique est en train d'émerger pour dissuader les gens de participer à des actes de protestation. La loi de sécurité globale en est un exemple.

3) L'organisation politique indépendante. Le traitement différencié de l'État est évident : financement, droits et libertés pour les partis politiques intégrés dans son giron ; stratégie de harcèlement et de démolition contre les organisations indépendantes du prolétariat. La violation des droits fondamentaux et la répression la plus grossière ne sont pas l'exception, mais la norme pour les organisations indépendantes qui continuent à faire face au pire visage de l'Etat. Les récentes tentatives de dissolution des différents groupes d'extrême gauche en France en sont un exemple.

La lutte pour les conditions de lutte : les droits politiques

La lutte pour les droits politiques ne se limite pas au cadre étroit des droits juridiques inscrits dans la loi. Contrairement à ce que propose la social-démocratie, la question ne se réduit pas à "défendre" les droits fondamentaux reconnus par l'Etat, mais à élargir progressivement toutes les conditions de développement de l'activité politique indépendante du prolétariat. Qu'il s'agisse d'une reconnaissance légale ou d'un régime de permissivité, la question fondamentale est de savoir si le rapport de forces est de notre côté, et si nous avons la capacité effective d'imposer les conditions nécessaires au développement de notre activité politique. C'est cette perspective qui nous permet de souligner que la source du droit n'est pas l'État capitaliste, mais le socialisme lui-même, qui fait progresser la corrélation des forces et prend le contrôle sur à chaque fois plus de conditions de liberté.

C'est ainsi que l'on peut articuler un cadre d'action politique plus large qui englobe et relie des luttes apparemment sans rapport entre elles. D'une part, nous devons défendre les droits fondamentaux à l'organisation et à la protestation, tels que le droit à la vie privée, le droit de se réunir et de manifester, ou le droit d'exprimer et de diffuser librement les idées communistes. D'autre part, nous devons progresser dans le contrôle de la rue, en renforçant notamment la lutte antifasciste pour tenir à distance les groupes réactionnaires qui intimident la jeunesse militante, ainsi qu'en continuant à étendre les espaces sous contrôle prolétarien, dans la chaleur desquels diverses expressions révolutionnaires se sont historiquement développées. En bref, la lutte pour les conditions de la lutte doit inclure l'ensemble des conditions qui articulent un espace de possibilité pour le libre développement de l'organisation communiste. Car c'est bien de cela qu'il s'agit : construire une barrière, un camp de protection contre l'offensive menée par l'oligarchie internationale et administrée par les États contre les droits politiques du prolétariat. Tout cela, bien sûr, doit être guidé par un programme qui défend dès le départ à la fois l'amnistie totale et le droit de renverser ce système injuste et de le remplacer par une société fondée sur la liberté universelle.

Nous savons déjà que la justice bourgeoise est aveugle et que sa balance tombe toujours du même côté. Mais nous avons encore le temps d'instituer un contrepoids pour la faire tomber de notre côté. Avant que son épée ne nous mette en pièces et qu'il ne soit trop tard.

IRUZKIN BAT
  1. KT
    Koldo Tellitu 2023/03/02

    Artikulu interesgarria, hori bai, Jendeari protesta-ekintzetan parte hartzeko asmoa kentzeko egitura juridikoa Corcuera Legearekin hasi zen eraikitzen, eta oso eraginkorra izan zen milaka isunekin. Errepresio biguneko lehen tresna izan zen. Ordura arte, mobilizazioen errepresioa polizia-kargetan, erasoetan eta atxiloketetan oinarritzen/zentratzen zen. Eta, ondoren, eginbide penalak irekitzen ziren. Corcuera legearen aplikazioarekin, jendea hasieran ez zen jabetzen gertatzen ari zenaz. Poliziak ez zintuen atxilotzen, ez zintuen jotzen, identifikazioa baino ez zuen eskatzen, eta, batzuetan, ezta hori ere, urrutitik identifikatzen zintuen. Baina gero isunak iristen hasi ziren, milaka isun, eta jendeak pentsatu zuen ez zituztela kobratuko, garai hartako trafiko-isunak bezalakoak zirela, ez zirela kobratzen. Eta nomina eta bankuetako kontuen enbargoak iritsi ziren, eta jendea kezkatzen hasi zen eta mobilizazioetara joateari uzten... Nik 400 isun baino gehiago eraman nituen, eta ikusi nuen j ... Gehiago Irakurri

    Artikulu interesgarria, hori bai, Jendeari protesta-ekintzetan parte hartzeko asmoa kentzeko egitura juridikoa Corcuera Legearekin hasi zen eraikitzen, eta oso eraginkorra izan zen milaka isunekin. Errepresio biguneko lehen tresna izan zen. Ordura arte, mobilizazioen errepresioa polizia-kargetan, erasoetan eta atxiloketetan oinarritzen/zentratzen zen. Eta, ondoren, eginbide penalak irekitzen ziren. Corcuera legearen aplikazioarekin, jendea hasieran ez zen jabetzen gertatzen ari zenaz. Poliziak ez zintuen atxilotzen, ez zintuen jotzen, identifikazioa baino ez zuen eskatzen, eta, batzuetan, ezta hori ere, urrutitik identifikatzen zintuen. Baina gero isunak iristen hasi ziren, milaka isun, eta jendeak pentsatu zuen ez zituztela kobratuko, garai hartako trafiko-isunak bezalakoak zirela, ez zirela kobratzen. Eta nomina eta bankuetako kontuen enbargoak iritsi ziren, eta jendea kezkatzen hasi zen eta mobilizazioetara joateari uzten... Nik 400 isun baino gehiago eraman nituen, eta ikusi nuen jendea larritzen isunak iritsi ahala. Errepresioa gogorra, oso gogorra zenez, torturak, kartzela edo atzerrira ihes egitea jendeari lotsa pixka bat ematen zion Corcuera isunaz hitz egiteak, jendea etxera joaten zen bere isunekin, eta ia ez zen sozializatzen. "Kartzelan dagoen jendeak sufritzen duen guztiarekin, ni isun ekonomiko batengatik nola kexatuko naiz" pentsatzen zuen jendea.

    Aurretiazko komunikazioaren kontzeptua ezarri zuen. Ordura arte ez zen baimenik eskatzen, biltzeko eskubidearen legeak hau jasotzen zuen eta "Bilera bat bera ere ez da aldez aurreko baimenaren menpe egongo". Corcuera legea baimena ezartzeko, "aurretiazko komunikazioa" asmatu zuen, ez zen baimena, baina hori barik... isuna.