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Argazki Nagusia
Karla Pisano eta Adam Radomski
2022/12/22 17:54

Une pandémie mondiale, une guerre sanglante aux portes de l'Europe, les effets dévastateurs du changement climatique... Ce sont des événements aux caractéristiques très diverses qui ont sans aucun doute conditionné et conditionneront la vie de milliards de personnes. En même temps, ils constituent la parfaite incitation pour la grande bourgeoisie pour imposer des politiques de réajustement afin de résoudre une situation de crise, dont l'origine est pourtant antérieure à ces événements. Face à cette crise d'accumulation du capital, la grande bourgeoisie a choisi de déployer une offensive économique et politique, sur tous les fronts de la vie de la classe ouvrière dans son ensemble.  Ce qui est en jeu, ce n'est donc pas la rationalisation de l'économie face à des événements circonstanciels - guerres - ou apparemment exogènes au système - sécheresses, épidémies... - mais la subordination absolue de tous les processus sociaux aux besoins de l'accumulation du capital ; donc, un nouveau tour de vis dans la vie du prolétariat.

Face à cette offensive, le Mouvement Socialiste du Pays Basque s'est engagé à créer des institutions pour renforcer la capacité de défense du prolétariat et à lier ce processus au renforcement de son indépendance politique, car face à l'attaque générale de ses conditions de vie, le prolétariat ne peut pas subordonner son programme à celui des classes moyennes impuissantes et en décomposition. Cette contribution vise à caractériser notre lecture de la situation actuelle et à exposer notre proposition politique.

Offensive bourgeoise : attaque sur les salaires.

S'il faut décrire la dimension économique de l'offensive menée par la grande bourgeoisie, on peut dire qu'elle augmente ses marges de profit au détriment des salaires des travailleurs, en poussant toutes sortes de réformes. Cependant, pour se faire une idée de l'ampleur du processus, il faut considérer les salaires dans leur ensemble, c'est-à-dire comme la totalité des ressources sociales destinées à la reproduction de la force de travail.

D'une part, certaines tendances présentes au cours des dernières décennies dans le domaine du travail ou du salaire direct - ce qui est perçu directement en échange de la vente de la force de travail - s'intensifient. Le fait que l'inflation élevée nous fasse percevoir plus clairement la perte de pouvoir d'achat ne doit pas nous faire oublier que la stagnation des salaires directs est un processus qui dure depuis des années et qui est passé inaperçu. Si nos salaires n'augmentent pas au même rythme que les prix, ils sont de facto dévalués, même s'ils ne diminuent pas nominalement. En conséquence, la quantité de biens à laquelle un salaire donne accès est réduite et, de plus, le poids qu'il a dans les économies familiales est relativisé. Alors qu'il y a trois décennies, un seul salaire permettait de faire vivre toute une cellule familiale dans des conditions relativement confortables, c'est aujourd'hui pratiquement inimaginable.

En outre, la précarité et la flexibilisation du marché du travail se généralisent ; les conditions de travail sont nivelées par le bas, c'est-à-dire que les conditions de la majorité des travailleurs se rapprochent de plus en plus de celles des travailleurs les plus mal lotis. Au chômage structurel s'ajoute le sous-emploi, c'est-à-dire l'entrée et la sortie intermittentes du marché du travail. Dans ce contexte, l'armée des chômeurs et l'armée des sous-employés exercent une pression à la baisse sur les salaires et les conditions générales de travail.

Par conséquent, le prolétariat subsiste en complétant les salaires de pauvreté qui vont et viennent par une série d'autres avantages et subventions qui feraient partie du salaire indirect. En d'autres termes, les choix de consommation du prolétariat sont de plus en plus déterminés par des revenus qui ne sont pas strictement liés à la vente directe de sa force de travail : RSA, allocations de chômage... Ces revenus maintiennent des conditions de misère auxquelles on ne peut accéder que par des procédures bureaucratiques voire jusqu'au travail à moitié forcé comme dans le cas du RSA (soumis à un nombre d'heures de travail par semaine). La bureaucratie n'est pas seulement un contrôle d'accès, c'est aussi un contrôle permanent sur la vie des gens qui se substitue en partie à la discipline salariale.

Le salaire indirect comprend également tous les revenus et services auxquels la classe ouvrière a accès par le biais de la forme bourgeoise du "service public". C'est dans ce domaine des salaires que l'appauvrissement généralisé est particulièrement évident. L'une de ses expressions les plus évidentes est la dualité entre services publics et privés, c'est-à-dire la détérioration ininterrompue des services publics et le transfert de certains d'entre eux - les plus bénéfiques - vers le secteur privé. Par exemple, la précarisation du système de retraite par répartition incite les gens à se tourner dans une plus grande mesure vers les régimes privés de retraites par capitalisation (une tendance qui favorise le second, même si les deux existaient déjà.

Nous voyons comment des services de base sont supprimés - la fermeture de plusieurs services médicaux d'urgence -, comment des frais supplémentaires sont ajoutés pour des services qui étaient auparavant gratuits - l'imposition de péages sur les autoroutes, un forfait de 19 euros pour être reçu aux urgences sans mutuelle  - ou comment de nombreux services et infrastructures se détériorent. Des choses qui peuvent nous sembler anodines, comme la réduction du chauffage dans les bâtiments publics, aux transformations aux conséquences dévastatrices, comme ce qui se passe dans le système de santé : listes d'attente de plusieurs mois pour les opérations, réduction de la détection des maladies en phase terminale.

En fin de compte, la conséquence directe de cette attaque contre les salaires est la polarisation de la consommation, c'est-à-dire la séparation de plus en plus évidente entre la consommation de luxe et la consommation pour les pauvres. Pour ceux qui peuvent se le permettre, principalement la bourgeoisie, l'éducation et les soins de santé privés, ainsi que le logement, la nourriture et toutes sortes de ressources de qualité. Il y a aussi les classes moyennes en voie de prolétarisation, qui finiront par dépenser une grande partie de leur épargne pour essayer de compenser avec leur salaire direct la détérioration du salaire indirect. Mais le pire retombe, comme toujours, sur le prolétariat. La dégradation des conditions de vie réduit les coûts de reproduction de la classe ouvrière et normalise un mode de vie misérable : il est normal que nous mangions des déchets, que notre mobilité sur le territoire soit réduite au minimum, que nous ne soyons pas soignés en cas de rhume, que nous ayons froid à la maison ou que nos enfants ne puissent pas terminer l'école secondaire.

La normalisation de cette situation se fait à une vitesse vertigineuse. La bourgeoisie a besoin de rendre son offensive économique culturellement acceptable et de réduire ainsi à néant toute possibilité d'opposition organisée. L'attaque généralisée contre les conditions de vie de la classe ouvrière a besoin d'un cadre juridique, politique et culturel approprié. Les médias, l'industrie culturelle et les politiciens professionnels sont des outils nécessaires dans ce processus de normalisation de l'offensive bourgeoise.

En ce sens, la subordination politique de la classe ouvrière est la condition préalable à son exploitation ou, en d'autres termes, toute offensive économique est à son tour une offensive contre les possibilités d'organisation du prolétariat, et dans un contexte où il n'y a pas de force politique antagoniste efficacement organisée, la barbarie progresse. L'offensive politique n'est pas seulement dirigée contre toute dissidence organisée possible, mais contre le prolétariat dans son ensemble. Dernièrement, nous assistons à l'augmentation du coût de la répression pour l'occupation d'une maison vide ou le durcissement des peines pour des délits mineurs relatifs notamment à des petits vols (bien que pour ce dernier cas, il n'y ait pas une loi qui le prevoit, on peut voir une tendance jurisprudentielle plus répressive), en limitant les quelques moyens de subsistance auxquels le prolétariat est contraint et en mettant de facto hors la loi la condition prolétarienne.

Gauche parlementaire, syndicalisme classique et syndicalisme social.

Face à l'offensive brutale de la grande bourgeoisie, la gauche est totalement impuissante, voire directement complice. Sur le plan institutionnel, la gauche parlementaire insiste sur les recettes redistributives. La social-démocratie croit en sa capacité à subordonner le capital à la volonté apparemment démocratique de l'État. Mais ces propositions sont doublement limitées : d'abord, parce qu'elles caractérisent l'État comme une entité neutre qui se situe au-dessus de la lutte des classes. Or, le réformisme oublie que, loin de l'être, l'État tel que nous le connaissons est un produit de la société capitaliste. En d'autres termes, sa tâche est de reproduire cette société sur sa propre base, en garantissant l'accumulation du capital. Par conséquent, tout gouvernement, quelle que soit sa couleur, est obligé de ne pas mettre en péril le profit de la bourgeoisie, puisque la viabilité de ses politiques de redistribution dépend de l'accumulation capitaliste.

Deuxièmement, dans la conjoncture actuelle tout particulièrement, de telles propositions sont irréalisables en raison de la réduction de la marge de manœuvre des politiques sociales. Dans un contexte de crise d'accumulation, le manque d'argent pour des mesures plus progressistes est compensé par l'endettement. Ces mesures contribuent à ce qui deviendra, à moyen terme, une subordination absolue aux directives de ceux qui prêtent l'argent, c'est-à-dire le capital financier. Le prolétariat sait déjà tout ce que cela implique : restrictions et mesures d'austérité. Il ne faut pas se laisser tromper par l'assouplissement des mesures d'austérité accordés par l'UE pour faire face au COVID, puisque cet assouplissement n'était que temporaire et impliquait de facto une compensation que devra encore une fois supporter la classe ouvrière. Rappelons que les créanciers n'ont pas d'attaches électorales et qu'ils exigeront donc des paiements en fonction de leurs intérêts.

Malgré tout, les mesures promues par les gouvernements de gauche aujourd'hui peuvent difficilement être qualifiées de redistributives, comme nous le preuve l'exemple de l'Etat espagnol. La grande majorité des politiques d'endiguement social - les différents moratoires qui reportent les expulsions et les coupures d'approvisionnement, les ERTE étendues par la dernière réforme du travail, la subvention sur le diesel, l'augmentation de l'IGR, de l'IMV et d'autres prestations, etc.ne résolvent pas le problème, s'avérant insuffisants en termes réels face à son ampleur. Au contraire, ils remplissent une fonction idéologique d'illusion et d'édulcoration des coups, ne neutralisant qu'une petite partie de l'ensemble de l'offensive. C'est pourquoi la gauche est un gestionnaire idéal en temps de crise. Ainsi, elle calme le jeu et désamorce les mobilisations sociales tout en décalant dans le temps l'effondrement économique et en creusant la dette.

Lorsqu'elle est dans l'opposition, la gauche du Capital se mobilise autour de proclamations populistes dans le but d'accéder au gouvernement ; elle se présente comme un agent dompteur face au Capital le plus féroce, comme un agent capable de l'affronter. Cependant, lorsqu'il gouverne enfin, il révèle son incapacité à mettre en œuvre les propositions qui l'ont porté au pouvoir, ce qui a un effet démobilisateur. Incapable de mettre en œuvre le programme social-démocrate, il finit par mettre en œuvre le seul programme possible en temps de crise : l'offensive anti-prolétarienne. Ainsi, dans cette nouvelle position, il tente de déguiser les attaques contre le prolétariat et vend des mesures de "contention sociale" comme de véritables victoires populaires. Alors que dans la sphère économique, il sert des miettes sur un plateau d'argent, dans la sphère politique, il rend possible des réformes du cadre juridique et répressif qui resserrent encore plus le siège du prolétariat. Cette politique du "moindre mal" discrédite non seulement la social-démocratie, mais la politique en général, puisque l'absence apparente d'alternatives conduit à la dépolitisation ou au rejet pur et simple de la politique, créant ainsi les conditions politiques de la prolifération du fascisme.

Dans ce contexte où les luttes salariales risquent de s'amplifier dans toutes leurs expressions, il faut aussi analyser les possibilités et les limites offertes par le syndicalisme d'aujourd'hui. Les principaux acteurs sont les syndicats traditionnels. Il s'agit généralement de grandes organisations, dotées de ressources importantes, d'un haut niveau de professionnalisme et d'un grand nombre de membres, capables de forcer certains changements dans les conditions de vente de la main-d'œuvre. Aujourd'hui, ils disposent d'un quasi-monopole politique dans un domaine profondément institutionnalisé comme celui du travail et sont reconnus comme des interlocuteurs par le capital, même s'ils pèsent aussi de moins en moins dans les décisions politiques.

Leur force découle de leur grande taille, mais celle-ci alimente également leurs limites politiques. Répondant à des critères quasi commerciaux, les syndicats classiques doivent faire preuve d'efficacité dans leur travail. Ils agissent donc là où ils peuvent s'organiser plus facilement et atteindre la représentativité ; dans les secteurs où le nombre d'adhérents est le plus élevé, où les marges bénéficiaires sont importantes ou dans ceux où ils sont liés à l'État. Mais on peut aussi le constater au sein du même secteur voire même au sein de la même entreprise, en donnant la priorité aux travailleurs les plus stables ou les mieux placés. Il s'agit de secteurs liés à l'aristocratie ouvrière. Leur incapacité à s'adapter aux nouveaux modes de travail et à s'installer dans des secteurs plus précaires est donc notoire.

Par conséquent, les couches les plus prolétarisées et les sections croissantes de la classe ouvrière ne sont généralement pas syndiquées. Dire que ceux qui sont plus syndiqués jouissent de meilleures conditions n'est qu'une demi-vérité, car ceux qui ont des conditions plus mauvaises ont plus de difficultés à s'organiser en syndicats. Ainsi, le fossé entre les couches supérieures et inférieures se creuse et le syndicalisme est un facteur qui reproduit cette division au lieu de contribuer à l'unité de la classe. Lorsqu'ils parviennent circonstanciellement à atteindre les couches inférieures, ils ont tendance à l'exagérer par rapport à leur implantation réelle et à l'instrumentaliser de manière propagandiste. Ainsi, il est démontré une fois de plus que le prolétariat est en règle générale commandé politiquement par l'aristocratie ouvrière.

Sur le plan formel, ce qui maintient en place l'énorme structure des syndicats classiques, c'est un fonctionnement profondément bureaucratisé ; il s'agit de structures dépendantes de permanents en lien avec des cabinets d'avocats qui fonctionnent comme des sociétés de services. Ainsi, ils cessent d'être des espaces d'organisation collective, de débat et d'activation de la classe ouvrière et leurs membres, au lieu d'être des militants actifs dont le travail soutient une partie de l'organisation syndicale, deviennent de simples clients. De plus, ce sont des structures dépendantes de l'État bourgeois à plusieurs niveaux : elles en dépendent économiquement, puisqu'une grande partie de leur activité est soutenue par des subventions ; elles sont limitées par le cadre juridique bourgeois, car leur statut découle du niveau de représentativité qu'elles peuvent atteindre ; et le cadre judiciaire bourgeois limite leur pratique, puisqu'elles tendent à judiciariser le conflit. Même les dynamiques de mobilisation ou d'agitation qu'ils peuvent entreprendre manquent d'indépendance par rapport à la gauche parlementaire et - qu'elles soient ou non directement liées à un parti - tendent à répondre à la formule déjà institutionnalisée de "rue-institution" qui combine la mobilisation dans les rues et la pression sur les institutions. A cela s'ajoutent les effets d'un marché du travail de plus en plus flexible et précaire, entraînant une baisse du nombre d'adhérents et un affaiblissement du pouvoir de négociation des syndicats.

Ces limites sont également partagées par les petits syndicats qui, bien que ne jouissant pas du même statut - moyens économiques, représentativité, traitement privilégié dans le jeu institutionnel, etc. - sont constamment tiraillés entre une éternelle subalternité ou une dangereuse ressemblance avec les grands syndicats afin de pouvoir les concurrencer. En ce sens, en l'absence d'une stratégie révolutionnaire fonctionnelle, ils tendent vers le même processus de bureaucratisation que leurs rivaux les plus puissants s'ils veulent remplir efficacement le rôle d'intermédiaires entre le travail et le capital.

Bien entendu, les différences entre les syndicats ne se limitent pas à leur taille. Il y a aussi celles qui découlent du modèle syndical, qu'il soit plus pacté et conciliant ou plus combatif et mobilisateur. Cependant, au-delà de la reconnaissance des meilleurs résultats ou de la supériorité éthique de ces derniers, tous deux partagent des limites dans leur fondement stratégique : la vision économiste dérivée de leur manière d'appréhender les luttes salariales. Loin d'être une contribution dans le sens d'une stratégie révolutionnaire - dont l'objectif est de dépasser la lutte économique elle-même - elles reproduisent le conflit salarial ad eternum. Leur travail se limite à l'amélioration des conditions de vente de la force de travail et aujourd'hui ils n'essaient même pas de faire de la propagande politique pour l'égalité des conditions de travail ou pour l'accès universel, gratuit et de qualité aux biens nécessaires, se limitant à revendiquer une "dignité" abstraite qui est impossible sous le capitalisme.

Face à la perte relative du poids social du travail salarié et au déplacement des conflits sociaux vers d'autres domaines du salaire indirect - tels que la santé, l'éducation ou le logement - ces syndicats ont commencé à tenter de s'organiser dans l'action sociale au-delà de la seule sphère du travail. Mais ces dernières années, une nouvelle forme de syndicalisme organisé territorialement, que nous appellerons "syndicalisme social", a pris une importance particulière en dehors des syndicats classiques, et qui est généralement liée aux questions de logement. Sous certains aspects, notamment pratiques, ils tentent de surmonter certaines des limites des mouvements sociaux ou des plates-formes de citoyens, car ils proposent des luttes pratiques qui répondent à la nécessité d'aller au-delà de la logique des demandes des citoyens. Elles répondent à une intuition correcte en posant la nécessité d'organiser la lutte économique au-delà du salaire direct - même si, malheureusement, c'est souvent en dépit de celui-ci -, d'atteindre les secteurs prolétarisés et de créer une organisation par le biais de luttes pratiques, en dépassant la forme de protestation caractéristique des mouvements sociaux, qui tendent à défier l'État.

Mais d'autres limites pèsent sur eux : ils n'ont pas de structure solide, ils formulent leurs conflits en termes essentiellement négatifs, ils reproduisent les significations communes existantes et les mobilisent dans des conflits particuliers... En outre, leur base reste économiste en raison de plusieurs facteurs : premièrement, parce qu'ils n'ont pas de stratégie claire et qu'ils sont de petits acteurs, les partis sociaux-démocrates et les syndicats absorbent leur travail, donnant un programme politique - électoral, bien sûr - à une pratique syndicale qui n'en avait pas. Même les expressions du syndicalisme social qui développent des discours plus radicaux, ou qui pointent du doigt les principales catégories du système de domination capitaliste - propriété privée, travail salarié - seront condamnées à la même chose, puisqu'elles n'ont ni proposition stratégique pour dépasser ces formes sociales, ni organisation pour les soutenir, au-delà de la conflictualité qu'elles peuvent accumuler dans des conflits économiques mineurs. En d'autres termes, il n'y a pas de lien entre ce qu'ils font et ce qu'ils disent. En conséquence, les luttes finissent par devenir une fin en soi et ce type de "résistance" conduit souvent à des pratiques d'assistanat. Nous entendons ici l'assitensialisme (welfarisme) non pas comme une position morale, mais comme une pratique limitée à la résolution de conflits particuliers.

Ces lacunes ne seraient pas résolues simplement en élevant le conflit ou en affirmant que le travail d'assistance est aussi un travail de sensibilisation ; l'organisation doit donner aux luttes salariales un sens intégral, elles doivent avoir un sens logique dans un modèle d'accumulation de forces qui mène effectivement au dépassement des formes sociales capitalistes et, plus important encore, tout cela doit avoir une réflexion organisationnelle. En ce qui concerne les limites organisationnelles, le caractère du syndicalisme social le conduit inévitablement au localisme incapable d'articuler ses capacités à grande échelle et condamné à gérer les conflits économiques d'agents mineurs. En plus d'être des structures orientées vers les partialités, elles sont des structures fragmentées et sont constamment confrontées aux difficultés dérivées de l'horizontalisme.

L'autodéfense socialiste.

Face à une situation d'attaque généralisée contre les conditions de vie de la classe ouvrière, on ne peut se contenter de reléguer les luttes salariales à leur sens conservateur. Les luttes salariales ne peuvent se limiter à la lutte contre la régression des conditions de vie, mais doivent servir d'impulsion à un programme effectivement transformateur. Le développement des forces productives, pour la première fois dans l'histoire, nous permet de parler de la possibilité d'un niveau de vie universellement garanti. Cette possibilité n'est pas quelque chose d'abstrait ou d'utopique ; elle est contenue, muselée, dans les relations sociales capitalistes et doit être libérée. C'est-à-dire que les conditions de possibilité inédites existent pour garantir le bien-être social, à condition que cela se fasse dans le cadre d'une organisation rationnelle et planifiée des capacités sociales et productives. Il ne s'agit pas d'un système idéal dans lequel il n'y a pas de pertes, de souffrances personnelles ou de difficultés, mais d'un système social dans lequel les moyens de reproduction sociale sont entièrement contrôlés et organisés sur la base des besoins.

Ce potentiel, toutefois, est le dépassement du système capitaliste en tant que système de domination économique et politique. Un système de logement, de transport ou d'alimentation gratuit, de qualité et universel, ainsi qu'une distribution égale du travail et des conditions de travail égales sont impossibles sous le capitalisme et ne peuvent être réalisés que dans le cadre d'un État socialiste. En ce sens, toute lutte pour les conditions de vie de la classe ouvrière doit souligner la nécessité de la construction de l'Etat socialiste comme seule garantie de la disparition totale de la "question du travail" ou de la "question du logement".

" Et pendant ce temps-là ? ", demanderont certains. Quel est le rôle de la lutte syndicale dans une stratégie révolutionnaire ? La question syndicale a été un point crucial dans les débats historiques de la tradition politique du prolétariat. Nous comprenons que la lutte économique ne se suffit pas à elle-même et qu'elle n'est donc pas révolutionnaire en soi. Notre tâche politique ne peut pas être de nous laisser entraîner par le résistentialisme en nous consacrant à plein temps aux luttes syndicales, car celles-ci ne peuvent pas mettre fin à l'exploitation, mais au mieux l'atténuer provisoirement, en la reproduisant, condamnée à se répéter encore et encore. En même temps, les luttes défensives sont nécessaires à la survie et seront toujours là, constituant la forme la plus élémentaire dans laquelle la lutte des classes se manifeste et l'espace le plus immédiat dans lequel le prolétariat est regroupé. C'est pourquoi nous ne pouvons pas nous permettre de nous interdire d'intervenir dans ces luttes. Au contraire, nous devons nous demander comment elles peuvent s'intégrer dans la stratégie socialiste, comment elles peuvent y répondre, en assumant leurs limites et leurs potentialités. En d'autres termes, les institutions socialistes doivent réussir leur rôle de médiation entre la conscience spontanée générée par les luttes salariales et la stratégie socialiste. Ainsi, l'objectif ultime ne peut être l'amélioration économique en soi, qui n'est jamais définitive, mais l'amélioration de la position de force du prolétariat dans les luttes à travers le développement de ses institutions indépendantes.

Par conséquent, l'organisation communiste doit se fixer la tâche urgente d'organiser l'autodéfense socialiste. L'autodéfense socialiste suppose trois tâches principales qui, aujourd'hui, doivent être comprises sur la base des capacités existantes et à la lumière de leur développement potentiel : l'expansion du programme communiste, la défense et l'amélioration effective des conditions de vie, et la création et la consolidation des institutions prolétariennes.

Nous comprenons que la création de mécanismes de défense autour desquels le prolétariat s'organise doit être liée à la diffusion de son programme historique, le communisme. A une époque où le prolétariat manque d'indépendance politique et où le communisme n'existe pas en tant que force organisée, la lutte aujourd'hui se déroulera principalement sur le plan culturel. Et le fait est que nous ne sommes pas en mesure aujourd'hui d'exercer un contrôle total sur la production et la distribution, ce qui serait le scénario d'une prise de pouvoir consommée. Mais nous pouvons comprendre ce processus comme quelque chose de progressif, et au fur et à mesure que l'organisation augmente ses niveaux de contrôle, nous pouvons faire un travail idéologique en posant ce contrôle socialiste comme quelque chose de souhaitable et de nécessaire.

Au-delà du moment purement défensif, il sera nécessaire de soulever des exigences dans tous les domaines qui ne sont ouvertement réalisables que dans un État socialiste. Qu'il s'agisse de la revendication d'un logement de qualité, gratuit et universel, de l'accès inconditionnel aux moyens de vie, de conditions de travail égales et de qualité, ou de travailler moins pour travailler tous. Il ne s'agit pas de se fourvoyer dans une impasse : ces objectifs ne peuvent être atteints de manière isolée, et ne sont pas non plus possibles dans le cadre du capitalisme. Ce sont des revendications qui doivent être explicitement liées à la construction du socialisme, en tant que moyen de propagande en faveur de l'État socialiste.

Cependant, parler de lutte culturelle ne signifie pas qu'elle doive rester un simple discours. En effet, il n'y a pas de séparation entre la lutte culturelle et le développement organisationnel qui correspond à son avancée, et cette unité s'opère dès le premier moment, le plus purement défensif. En d'autres termes, la diffusion du programme communiste sera intimement liée à l'efficacité et à la supériorité organisationnelle dont les communistes feront preuve dans leur approche de l'autodéfense. Pour cela, il est essentiel de développer des formes de lutte adéquates, d'augmenter les capacités et les muscles organisationnels afin d'améliorer les positions politiques qui permettront au processus socialiste d'avancer. Il faudra soigner la forme, mais aussi le contenu : ces luttes doivent viser l'expropriation et la socialisation du profit, en explicitant l'antagonisme et l'impossibilité d'une amélioration sans affronter la bourgeoisie, au prix de son pouvoir. Elles doivent répondre au principe d'égalité et d'universalité comme seul moyen de représenter et d'unifier les intérêts de l'ensemble de la classe ouvrière de manière unitaire. De plus, étant donné la dispersion et la division actuelles des différentes luttes salariales, ces luttes doivent être menées de manière unifiée, en nous organisant à tous les niveaux pour ne pas perdre d'un côté ce qui a été gagné de l'autre.

Enfin, l'organisation dans la sphère des luttes salariales doit désormais viser le contrôle progressif de la distribution et de la production. Bien que ce contrôle implique évidemment des conflits et ne puisse s'exercer efficacement sans un contrôle sur l'ensemble de la société, il doit être mis en avant comme l'axe pratique principal du processus socialiste au-delà du moment purement défensif. En d'autres termes, il s'agit que les luttes salariales puissent servir à nourrir le contrôle progressif de l'organisation indépendante du prolétariat sur les processus sociaux. Il ne s'agit pas d'exiger des améliorations et d'attendre innocemment que l'État les maintienne, mais d'intégrer chaque amélioration dans une nouvelle organisation de la société ; il s'agit d'arracher à la bourgeoisie le contrôle - privé ou étatique - des processus sociaux et de l'intégrer sous la direction démocratique du prolétariat. L'autodéfense socialiste tente donc de transcender la division entre lutte politique et lutte économique, car elle concentre les luttes salariales sur la construction d'institutions prolétariennes dans toutes les sphères de la vie, qui seront régies par une nouvelle discipline sociale.

Le défi n'est pas mince et l'offensive sanglante de la bourgeoisie nous oblige à avancer à pas de géant. Si l'ampleur de la barbarie peut faire penser à beaucoup que la seule chose à faire est de "défendre les acquis", ce n'est pas le moment de remettre à demain ce qu'il faut faire aujourd'hui, ce n'est pas le moment de se laisser intimider par leur doctrine du "moindre mal". Il est urgent d'organiser l'autodéfense socialiste dans tous les domaines que nous pouvons couvrir.

2 IRUZKIN
  1. BC
    Buscando caminos 2023/08/06

    Me gusta el análisis y también la propuesta. Enhorabuena!.
    Para llegar a más gente estaría bien una "hoja de ruta" o concreción detallada de próximos objetivos y tareas a corto, medio y largo plazo. Lo dejo como propuesta para quienes habéis escrito este excelente artículo

    Me gusta el análisis y también la propuesta. Enhorabuena!.
    Para llegar a más gente estaría bien una "hoja de ruta" o concreción detallada de próximos objetivos y tareas a corto, medio y largo plazo. Lo dejo como propuesta para quienes habéis escrito este excelente artículo

  2. J
    jxrdii_ 2023/09/22

    Creo que es un análisis muy acertado, especialmente la parte en la que se señalan las limitaciones del sindicalismo alternativo/social. Me parece muy interesante la tesis de la autodefensa socialista, ojalá escribáis algo profundizando al respecto. ¡Mucho ánimo y a seguir!

    Creo que es un análisis muy acertado, especialmente la parte en la que se señalan las limitaciones del sindicalismo alternativo/social. Me parece muy interesante la tesis de la autodefensa socialista, ojalá escribáis algo profundizando al respecto. ¡Mucho ánimo y a seguir!